Étant considéré comme un expert en matière de vente des immeubles, le rôle d’un courtier immobilier est de « faire tous les efforts nécessaires pour vendre ou acheter, louer (…) ou réaliser l’opération immobilière convenue avec son client »[3]. Sur ce, il importe de préciser que l’intensité des obligations ci-bas abordées, c’est-à-dire le degré auquel le courtier est tenu d’accomplir ses devoirs, en est une de moyens[4]. Dans ce cas, le courtier n’est pas tenu d’accomplir les résultats spécifiques, mais doit se comporter comme tout autre courtier prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances[5] et prendre tous les moyens à sa disposition pour tenter d’arriver au résultat souhaité[6].
1. Agir au mieux des intérêts de son client
Le contrat de courtage immobilier est un contrat de services tel que prévu par le Code civil du Québec[7] (ci-après C.c.Q). À cet égard, il est pertinent de rappeler que les prestataires de services sont tenus d'agir avec transparence au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence, soit, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que le service fourni est conforme au contrat (2100 C.c.Q.). La conduite des courtiers est également régie par la Loi sur le courtage immobilier et ses règlements, énonçant ces mêmes obligations de prudence, diligence et compétence qu’ont leurs membres[8]. Sur ce, la relation qui caractérise les parties doit forcément être empreinte de bonne foi[9] (6, 1375 C.c.Q) compte tenu des obligations générales de « défense des intérêts, loyauté, diligence, conseil, vérification »[10]. Le courtier ne doit pas favoriser ses intérêts au détriment de ceux de son client et ne doit pas chercher « à obtenir une commission déraisonnable »[11] ni se trouver en situation de conflit d’intérêts[12].
2. Obligation de renseignement et de conseil
Les courtiers doivent fournir à leurs clients toute information utile relativement à la nature de la tâche qu’ils s’engagent à effectuer ainsi qu’aux biens et au temps nécessaire à cette fin[13]. Le courtier doit s’assurer que son client a saisi « la nature et le sens des informations transmises »[14], pour prendre une décision convenable. Par ailleurs, le courtier devra s’assurer de la véridicité des informations transmises et accompagner ses explications de recommandations lorsque pertinent. À coup sûr, il doit éviter de faire preuve de réticence ou de cacher un élément d’information qui aurait influencé la décision de son client.
Cette obligation se voit parfois limitée, notamment par ce que le client a divulgué comme étant des éléments importants, par son propre devoir d’information et par l’expérience et les connaissances de ce dernier[15]. À cet égard, nous soulignons un cas qui mérite une attention particulière : celui de la vente sans garantie légale. Étant donné les impacts significatifs pour les parties, le devoir de conseil du courtier « peut impliquer l’obligation de recommander à son client-acheteur les services d’un inspecteur afin d’effectuer une inspection préachat permettant de vérifier l’état et les conditions dans lesquels se retrouve l’immeuble »[16].
3. Obligation de vérification
Pour éviter d’engager sa responsabilité, le courtier doit, notamment, vérifier l’exactitude des informations fournies dans la déclaration du vendeur, s’il agit pour ce dernier, ainsi que les informations sur la fiche descriptive de l’immeuble, avant de la rendre disponible au public[17]. Sur ce, le courtier immobilier prudent devrait visiter l’immeuble pour mieux fixer un prix de vente et établir l’état des lieux[18], sans commettre d’erreur.
En ce qui concerne le devoir d’un courtier de vérifier la solvabilité d’une partie, celui-ci doit s’informer sur « sa qualité, ses ressources financières et sa solvabilité »[19]. Effectivement, il « ne peut fermer les yeux s’il existe des indices que le promettant-acheteur n’a pas la capacité financière pour lui permettre de remplir les obligations qu’il entreprend dans l’offre d’achat »[20]. Cependant, « il est clairement établi dans la jurisprudence que le courtier immobilier ne garantit pas la solvabilité de l’acheteur »[21]. Ainsi, l’étendue de l’obligation de vérification serait limitée aux indices qu’une partie soit insolvable, sans quoi, en l’absence d’indices « bien importants qui laisseraient croire à son insolvabilité »[22] il ne peut avoir d’« obligation légale de vérifier systématiquement cette dernière »[23]. Quoi qu’il en soit, il est clair que le courtier doit s’assurer minimalement de la fiabilité des informations obtenues à l’égard de la solvabilité[24] puisqu’il ne pourra fournir des informations qu’il sait fausses à son client « ou qu’il n’a pas vérifiés de façon satisfaisante »[25] générant, dans les mots de la cour, « un faux sentiment de sécurité non suffisamment documenté »[26] sans engager sa responsabilité.
En somme, un courtier immobilier doit employer tous ses efforts pour réaliser l’opération immobilière convenue avec son client, mais, en s’y faisant, il doit agir au mieux des intérêts de ce dernier, le conseiller, le renseigner et veiller à la vérification des informations échangées entre les parties à une transaction. Il doit donc maintenir une conduite transparente et fournir toute information utile à une prise de décision par le client. Enfin, le bon jugement d’un courtier a également toute son importance puisque ce dernier doit savoir évaluer quand ses devoirs de conseil, renseignement et vérification prennent une place plus importante. Nous pensons notamment aux scénarios de vente sans garantie légale, de fixation d’un prix de vente et aux indices d’insolvabilité d’une partie, où le client peut être particulièrement vulnérable et voudra reposer sa confiance sur l’expert en la matière.
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[1] Statistiques (OACIQ)
[2] Pourquoi signer un contrat de courtage achat avec un courtier immobilier ? (Re/max); Pourquoi faire équipe avec un courtier? (OACIQ)
[3] Alexandre Dumas, Le droit du courtage immobilier au Québec: droits et obligations des courtiers immobiliers, des agences et de leurs dirigeants, Montréal, Wilson & Lafleur, 2017.
[4] Id.
[5] Bélanger c. Demers, 2016 QCCQ 14533, par. 42; Jackson c. Boucher, 2010 QCCQ 10999, par. 23, 28-32.
[6] Id., Rivard c. Re/Max Fortin Delage inc., 2014 QCCS 2109, par. 62.
[7] Code Civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64., art. 2098. ; J-L. BEAUDOIN et Y. RENAUD, préc., note 6, art 2098, no 2098/57; Immeuble Toron Canada inc. c. Capreit Apartments Inc., 2010 QCCA 803; Bélanger c. Demers, 2016 QCCQ 14533.
[8] Loi sur les courtiers immobiliers, C-73.2; Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, C-73.2, r. 1, Art. 62.
[9] A. DUMAS, préc., note 3, p. 163.
[10] Id.
[11] Vincent Karim, Contrats d'entreprises (ouvrages mobiliers et immobiliers: construction de rénovation), contrat de prestation de services (obligations et responsabilité des professionnels) et l'hypothèque légale, 4e édition, Montréal, Wilson & Lafleur, 2020.
[12] Loi sur le courtage immobilier, C-73.2, Art. 21.
[13] 2102 C.c.Q.; Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, C-73.2, r. 1, Art. 5.
[14] V. Karim, Contrat de prestation de services (obligations et responsabilité des professionnels) et l'hypothèque légale, par. 578.
[15] Id., par. 378.
[16] Id., par. 572.
[17] Id., par. 581.
[18] Id., par. 582.
[19] Id., par. 583.
[20] Id., par. 164; McIntyre c. Rabb, 2014 QCCS 2113, par. 63; Muchitsch Kensabler c. Re/Max Alliance inc., 2011 QCCQ 4834, par. 20.
[21] A. DUMAS, préc., note 3, p. 163.
[22] Robinson c. Groupe Sutton-Immobilia inc., 2010 QCCQ 5774; par 21-22.
[23] A. DUMAS, préc., note 3, p. 163.
[24] Id.
[25] Id. ; Rivard c. Re/Max Fortin Delage inc. 2014 QCCS 2109, par. 80-81.
[26] Drpich c. Pretbec Super Courtier Ltée, 2002 CanLII 22425 (QC CQ), par. 33.