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Décortiquer les durées du droit d'auteur au Canada

Par Camille Labadie

Qu’ont en commun Jim Morrison, Marcel Proust et Frida Kahlo ? Si vous avez répondu « un génie créatif », vous n’avez pas tort. Mais au-delà de cette évidence, la principale similitude est que les œuvres de ces artistes sont aujourd’hui toutes entrées dans le « domaine public » canadien et peuvent être librement utilisées. Comment cela se fait-il ?

Pour le comprendre, intéressons-nous aux règles qui gouvernent la durée du droit d’auteur au Canada.

 

Les droits d'auteur: des droits temporaires

Dans la plupart des pays, la loi prévoit que les droits d’auteur ne sont pas « éternels ». Ils n’existent généralement que pendant la vie de l’auteur et s’éteignent au terme d’un nombre variable d’années après son décès.

Une fois ce délai écoulé, l’ensemble des œuvres de cet auteur entre, en principe, dans le « domaine public ». On dit aussi que ces œuvres deviennent « libres de droit ». Elles peuvent être utilisées et reproduites, y compris à des fins commerciales, sans qu’il soit nécessaire de demander une autorisation ou de payer des redevances.

Le calcul de la durée au Canada: une nouveauté depuis 2023

Avant le 1er janvier 2023, la Loi sur le droit d’auteur prévoyait que celui-ci durait pendant toute la vie de l’auteur et qu’il se prolongeait pendant les 50 années suivant celle de son décès. Une fois ce délai écoulé, les œuvre de cet auteur entraient dans le domaine public.

Prenons l’exemple d’un peintre décédé le 4 mars 1971. Ses œuvres étaient protégées jusqu’au soir du 31 décembre 2021 (1971 + 50). Au 1er janvier 2022, elles sont entrées dans le domaine public.

 

Depuis le 1er janvier 2023, la Loi sur le droit d’auteur prévoit que celui-ci dure pendant toute la vie de l’auteur, et se prolonge pendant les 70 années qui suivent celle de son décès.

Reprenons l’exemple de notre peintre en supposant cette fois-ci qu’il est décédé le 4 mars 1972. Ses œuvres seront protégées jusqu’au soir du 31 décembre 2042 (1972 + 70). Au 1er janvier 2043, les œuvres du peintre entreront dans le domaine public.

 

Si cette nouvelle règle ne s’applique qu’aux œuvres qui n’étaient pas encore entrées dans le domaine public au 1er janvier 2023, elle a des conséquences importantes puisque cette prolongation de 20 ans signifie que plus aucune nouvelle œuvre, dont l’identité de l’auteur est connue, n’entrera dans le domaine public canadien avant 2043 !

Par ailleurs, il existe certaines situations dans lesquelles le point de départ de la protection d’une œuvre, et sa durée, sont calculés différemment. En voici quelques exemples.

Oeuvre collaborative

Lorsque la titularité d’une œuvre est partagée entre plusieurs auteurs, comme c’est le cas des œuvres collaboratives dans lesquelles il est impossible de dissocier leurs contributions respectives, la période de protection de 70 ans ne commence à courir qu’à partir du décès du dernier coauteur survivant.

 

Attention : Lorsqu’il est possible de distinguer les contributions des auteurs, chacune d’elles est protégée pendant la vie de son auteur + 70 ans. Ainsi, au Canada, les paroles et la musique d’une chanson peuvent entrer dans le domaine public à des moments différents !

Oeuvre anonyme ou sous pseudonyme

La durée de la protection du droit d’auteur étant étroitement rattachée à l’identité de l’auteur, des dispositions particulières s’appliquent aussi dans le cas des œuvres dont l’attribution est inconnue ou incertaine.

Si l’œuvre n’a jamais été publiée[1], le droit d’auteur sur cette œuvre expire à la fin de la 75ème année suivant celle de la création de l’œuvre.

Si l’œuvre est publiée avant l’expiration de ce délai, le droit d’auteur prend fin à la première des deux dates suivantes : soit à la fin de la 75ème année suivant celle de la première publication, soit à la fin de la 100ème année suivant celle de la création de l’œuvre.

Exemple : Une œuvre anonyme est créée en 1923. Elle est découverte par hasard et publiée pour la première fois en 1967. La durée de 100 ans depuis la création aurait pour effet que la protection du droit d’auteur prendrait fin au 31 décembre 2023, tandis que la durée de 75 ans depuis la publication aurait pour effet que la protection prendrait fin au 31 décembre 2042. 

Dans ce cas, on prendra en compte la période de 100 ans depuis la création puisque c’est l’option grâce à laquelle l’œuvre entrera le plus rapidement dans le domaine public.

 

Par ailleurs, si l’identité de l’auteur est finalement découverte, l’œuvre sera alors soumise à la règle de base, à savoir : vie de l’auteur + 70 ans. Facile, non ?

À noter finalement que d’autres règles (encore !) s’appliquent dans les cas d’œuvres posthumes et d’œuvres dont la titularité revient à la Couronne.

Qui détient les droits d'auteur après le décès de l'auteur?

Au décès de l’auteur d’une œuvre protégée, les droits d’auteur qui n’ont pas été cédés ou renoncés du vivant de l’auteur reviennent au(x) légataire(s) désigné(s) par testament ou, à défaut, aux héritiers de l’auteur.

Les personnes à qui reviennent les droits d’auteur pourront ainsi exercer les droits économiques et moraux de l’auteur pendant la durée restante de celui-ci, jusqu’à ce que les œuvres entrent dans le domaine public.

 

          


[1] Une œuvre ne serait considérée « publiée » que si plusieurs copies autorisées de l’œuvre, sous forme de photographie, de peinture, ou encore de dessins, sont mises à la disposition du public. Une telle définition est cependant problématique pour les œuvres qui n’ont pas vocation à exister en plusieurs exemplaires, par exemple une peinture ou une sculpture.

 

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