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Fin d’emploi et obligations légales : s’y retrouver un peu!

Par Philippe Clément

Quitter un milieu de travail ou changer d’emploi est toujours stressant. En plus des relations avec les collègues appelées à changer et des soucis logistiques, des questions légales peuvent se poser! Notamment, « ai-je le droit d’aller travailler pour une entreprise concurrente à mon employeur? », « comment puis-je utiliser mes connaissances sur les méthodes de mon employeur actuel? » et « dois-je attendre avant de travailler pour une autre entreprise ou dois-je changer de ville? ».

Philippe Clément

Pour répondre à ces interrogations, il convient de distinguer les clauses de non-concurrence et l’obligation générale de loyauté prévue au Code civil du Québec.

La clause de non-concurrence

Il est de plus en plus courant de retrouver dans un contrat de travail, surtout chez des professionnels ou en milieux spécialisés, des clauses restreignant la liberté de travailler après son emploi. Ce sont les clauses de non-concurrence!

Ces dernières doivent respecter certaines conditions. Pour être valides, de telles clauses doivent être écrites, donc expressément prévues dans un contrat, nous enseigne l’article 2089 du Code civil. Elles doivent, de plus, être limitées quant au temps, au lieu et au genre de travail de façon à protéger les intérêts légitimes de l’employeur.

Une clause de non-concurrence ne peut donc pas simplement interdire de faire toute concurrence, pour toujours et partout. Elle doit être limitée à un territoire (l’arrondissement Ville-Marie à Montréal, la Ville de Sherbrooke, la MRC du Granit, par exemple), prévoir une échéance (on reconnait habituellement les clauses allant jusqu’à 12 mois, et parfois plus dans des cas très spécifiques de haute spécialisation) et être limitée au genre de travail (habituellement limité aux tâches exercées dans le cadre de l’emploi, lesquelles doivent être décrites dans la clause).

Le tout doit être jugé à la lumière de ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur, c’est-à-dire servir un objectif réel et raisonnable. On analysera si une clause est arbitraire en fonction du contexte précis : on tolérera une clause plus exigeante pour un membre d’une équipe de cadres que pour une personne dont le travail est subordonné et qui bénéficie d’une autonomie moindre. Évidemment, le tribunal doit aussi garder en tête que l’employé a le droit de gagner sa vie également. Ces principes vont pondérer la décision.

Une clause qui ne respecte pas ces conditions pourrait être attaquée devant les tribunaux. C’est donc important de bien la préparer et de la revérifier au moment de quitter son emploi. Qui plus est, si la clause ne respecte pas ces critères, la Cour l’invalidera, les tribunaux ne réécrivant pas une clause déficiente.

L’obligation légale de loyauté

Votre contrat de travail ne contient aucune clause de non-concurrence? Vous n’avez même aucun contrat de travail écrit? Attention, vous avez tout de même des obligations relatives à votre employeur après l’avoir quitté!

L’article 2088 du Code civil du Québec établit une obligation légale, applicable pour tous les travailleurs, qui requiert d’agir avec honnêteté et loyauté. De plus, cette disposition inclut l’obligation de ne pas divulguer les informations confidentielles obtenues pendant l’emploi.

Ces obligations survivent après la fin de l’emploi pendant un délai raisonnable, et quant à l’information confidentielle référant à la vie privée et la réputation, elles survivent en tout temps.

Un peu mêlant? Démêlons le tout!

Les travailleurs non-assujettis à une clause de non-concurrence peuvent disposer comme ils l’entendent de leur « patrimoine professionnel personnel », c’est-à-dire des connaissances acquises et de l’expertise développée pendant l’emploi. L’obligation de loyauté exige simplement, après leur départ, de faire preuve de retenue, notamment en ne sollicitant pas agressivement d’anciens clients, en n’usant pas d’informations confidentielles et en ne dénigrant pas son ancien employeur.

Il n’est donc pas interdit à ces travailleurs de faire compétition à leur ancien employeur, il est tout à fait permis de le faire avec une certaine modération pendant un certain temps. Il ne leur est même pas interdit de préparer leur départ pendant qu’ils sont à l’embauche d’un employeur, du moment que ce soit chose faite hors des heures de travail, des lieux de travail et avec leurs ressources personnelles.

Le degré d’intensité de cette obligation varie, encore une fois, selon le type d’emploi effectué, le niveau d’autonomie et de responsabilité accordé ainsi que les conditions et les causes de fin d’emploi. Une personne cadre sera soumise à une obligation de loyauté plus exigeante qu’une personne dont le travail est étroitement supervisé.

La durée de survie de l’obligation de loyauté varie de la même façon. Il s’agira généralement d’une période de quelques semaines, voire quelques mois.

À quoi s’expose-t-on si on ne respecte pas son obligation de loyauté? Lorsque le lien d’emploi existe encore, une personne qui manque à cette obligation légale s’expose à des sanctions disciplinaires. Si le manquement survient après la fin de l’emploi, l’employeur peut requérir une injonction pour que les agissements fautifs cessent et/ou exiger des dommages-intérêts s’il a subi un préjudice dû au comportement interdit.

Conclusion

En somme, tout le monde doit respecter certaines obligations à la fin d’un emploi. Il suffit de déterminer si celles-ci sont inscrites au contrat de travail, notamment dans une clause de non-concurrence, ou alors si elles découlent de l’obligation légale de loyauté.

En cas de doute, consultez un conseiller juridique!

 


Références :

  • Sahlaoui c. 2330-2029 Québec inc. (Médicus), 2021 QCCA 1310
  • Nathalie-Anne Béliveau et Raphaël Buruiana, « Les critères de validité des clauses de non-concurrence en matière d’emploi », dans Service de la formation continue, Barreau du Québec, vol. no 503, Développements récents en droit de la non-concurrence (2021), p. 181, à la p. 185, en ligne.

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