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La protection des personnes en situation de vulnérabilité

Par Chloé Galarneau-Haley

Le 1er novembre 2022, des modifications du Code civil, du Code de procédure civile et de la Loi sur le curateur public sont entrées en vigueur au Québec. Ces modifications sont communément appelées la loi visant à mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité, ayant pour objectif central l’amélioration des régimes de protection des personnes inaptes.

L'essence même de cette loi repose sur la modernisation des régimes de protection existants, tout en cherchant à éliminer la stigmatisation des personnes inaptes. Elle vise à établir un équilibre délicat entre la garantie d'une protection adéquate et la préservation de l'autonomie individuelle.

Quelles sont les principales innovations introduites par cette réforme des régimes de protection ?

Qu’est-ce qu’un régime de protection ?

Un régime de protection est un mécanisme prévu par la loi pour assurer la protection d’une personne qui, en raison de son état mental, se trouve dans l’incapacité d’assurer la protection de sa personne, veiller à la gestion de ses biens ou à l'exercice de ses droits, la rendant ainsi inapte.

L'inaptitude peut résulter de diverses causes, telles qu'une déficience intellectuelle, une maladie dégénérative comme la maladie d'Alzheimer, un accident vasculaire cérébral (AVC) ou encore une maladie mentale. Il est important de noter qu'un handicap physique en soi ne constitue pas une cause d'inaptitude, à moins qu'il ne limite la capacité de la personne à exprimer ses volontés.

Simplification des régimes de protection

Auparavant, trois régimes distincts pour la protection des adultes inaptes existaient au Québec :  la curatelle au majeur, le conseiller au majeur et la tutelle au majeur. La réforme a aboli les deux premiers régimes et a remodelé la tutelle au majeur. Désormais, la tutelle au majeur constitue le seul régime de protection offert aux personnes inaptes majeurs.

La réforme vise ainsi à simplifier les régimes de protection en mettant l'accent sur des valeurs sociales d'inclusion, d'égalité et de respect. Elle vise à garantir à chaque individu sous tutelle une protection accrue de ses droits tout en favorisant une autonomie adaptée à sa réalité. On tend alors vers un régime qui ne mise non plus sur les limitations de la personne, mais plutôt sur ses forces, ses volontés et ses préférences. En se fondant sur le principe selon lequel chaque personne a la capacité d’exercer l’ensemble de ses droits civils, le tribunal devra désormais déterminer si la tutelle doit être modulée ou non.

Qu’est-ce que la modulation ?

La modulation du régime détermine quels actes la personne sous tutelle peut accomplir seule et ceux qui nécessitent l’assistance de son tuteur. Lorsque la tutelle est mise en place, en plus de déterminer si le tuteur gère les biens de la personne inapte, veille à la protection de sa personne, ou les deux, le tribunal doit déterminer si la tutelle sera modulée. Cette décision repose sur les évaluations médicales et psychosociales de la personne, les avis recueillis lors de l’assemblée impliquant la famille et les amis, ainsi que sur les volontés et les préférences de la personne inapte.

La modulation de la tutelle renforce également l’idée que le tuteur doit, lorsqu'il agit au nom de la personne inapte qu'il représente, la consulter en fonction de sa capacité à prendre des décisions et prendre en considération ses préférences.

Quels sont les impacts de la modulation ?

La loi prévoit six principales formes de modulation de la tutelle :

Le droit de vote : La personne inapte et représentée, si elle est citoyenne canadienne, conserve le droit de voter aux élections fédérales, municipales et scolaires, sauf décision contraire du tribunal.

La garde : Le tuteur est généralement responsable de la garde de la personne inapte, ce qui inclut le choix de sa résidence, la gestion de ses déplacements et de ses fréquentations, ainsi que le consentement aux soins lorsque la personne est incapable de le faire. Cependant, en fonction des circonstances, le tribunal peut décider que la garde n'est pas nécessaire.

Le pouvoir de faire des achats : Le tribunal peut autoriser la personne sous tutelle à effectuer des achats pour ses besoins ordinaires, à condition qu'elle soit en mesure de respecter un budget établi avec son tuteur.

La signature du bail : La personne sous tutelle peut être autorisée à signer son propre bail si elle remplit certaines conditions, notamment la capacité de contracter seule pour ses besoins ordinaires et ne pas avoir de gardien. Le tribunal doit spécifier cette autorisation par jugement.

Les actes liés à l’emploi, à l’art ou à la profession : La personne représentée peut être autorisée à effectuer diverses actions liées à son emploi, à son art ou à sa profession, comme chercher un emploi, signer un contrat ou négocier des conditions de travail.

La gestion du produit de son travail: Le tribunal peut autoriser partiellement ou totalement la personne représentée à gérer sa rémunération, en fonction de sa capacité à le faire.

En tout temps, le tribunal peut ajouter d'autres formes de modulation pour des actes spécifiques en fonction de l'évolution des facultés de la personne représentée.

Impact sur les régimes de protection en cours

En ce qui concerne les tutelles en cours au moment de l'entrée en vigueur de la loi, la nécessité de les moduler ou non sera déterminée lors de leur réévaluation à la prochaine date indiquée dans le dossier. Les personnes sous curatelle verront leur régime converti en tutelle, avec la possibilité de modulation lors de leur prochaine réévaluation. Dans les deux cas, aucune modification n'intervient avant cette réévaluation.

Pour conclure, cette réforme visant à mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité au Québec représente un pas significatif vers une approche plus moderne et respectueuse des droits des individus inaptes.

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