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Les conjoints de fait : la convention de vie commune

Par Vincent Leduc

Au Québec, plus de 40 % des couples vivaient en union de fait en 2021[1]. Pourtant, malgré le nombre élevé de conjoint(e)s de fait, les protections juridiques conférées par le Code civil du Québec aux conjoint(e)s marié(e)s et uni(e)s civilement ne s’appliquent pas aux conjoint(e)s en union de fait[2]! En raison de l’absence de protections juridiques pour ces personnes, il est important de connaître certaines façons de se protéger en union de fait, notamment par l’entremise de la convention de vie commune. Nous aborderons, d’abord, ce qu’est une convention de vie commune, puis quelques protections qui peuvent y être mises.

Vincent Leduc

Qu’est-ce qu’une convention de vie commune?

La convention de vie commune, aussi appelée convention d’union de fait, est un contrat par lequel des conjoint(e)s de fait peuvent déterminer leurs obligations durant l’union de fait et ce qu’il adviendra en cas de rupture. On peut conclure cette entente à tout moment de l’union de fait et la modifier à tout moment, avec l’accord des deux conjoint(e)s de fait. Il faut savoir que rien n’empêche les conjoint(e)s de fait de s’assujettir volontairement aux règles prévues dans le Code civil du Québec pour les conjoint(e)s marié(e)s ou uni(e)s civilement en concluant une convention de vie commune[3]. C’est une convention qui est adaptée aux besoins des conjoint(e)s de fait, sous réserve du respect de la loi.

Quelles sont les protections que peut offrir une convention de vie commune?

Indemnité en cas de rupture (pension alimentaire)

Les conjoint(e)s de fait n’ont pas le droit à une pension alimentaire en cas de rupture puisque seuls le mariage et l’union civile créent une obligation alimentaire légale[4]. Cependant, dans une convention de vie commune, les conjoint(e)s de fait peuvent convenir, pour s’assurer une certaine protection, du paiement d’une pension alimentaire à la fin de leur vie commune[5].

Prenons par exemple deux conjoints de fait fictifs, Max et Alex. Max arrête de travailler durant la vie commune en raison d’une maladie, alors Alex assume seul les dépenses du couple. Lors de la rupture, Max ne pourra pas bénéficier d’une pension alimentaire pour s'assurer une stabilité économique même si sa maladie l’empêche de retourner sur le marché du travail, à moins d’avoir prévu une indemnité dans une convention de vie commune[6].

Inventaire des biens (et absence de patrimoine familial)

Le régime du patrimoine familial, qui se compose essentiellement des biens appartenant aux époux et qui servent à la famille, sous réserve des inclusions et exclusions prévues au Code civil du Québec, s’applique uniquement aux conjoint(e)s marié(e)s ou uni(e)s civilement[7]. Chaque conjoint(e) de fait est donc propriétaire unique de ses biens acquis avant et durant la vie commune[8]. Au moment de la rupture, si aucun(e) des conjoint(e)s de fait n’arrive à prouver que le bien lui appartient, ce bien pourra faire l’objet d’une demande en partage, c’est-à-dire que l’on donnera 50% de la valeur marchande du bien à chaque conjoint(e)[9]. Afin d’assurer la propriété des biens, il est possible de faire l’inventaire de la propriété des biens de chaque conjoint(e) avant la vie commune et de décider des modalités de partage en cas de rupture. Cela permet d’éviter un conflit en cas de rupture sur la propriété des biens.

Prenons, par exemple, deux conjointes fictives, Sacha et Dominique. Sacha a acheté une télévision qui est utilisée par le couple. Lors de la rupture, Sacha veut quitter avec sa télévision, mais la facture est introuvable. Pour sa part, Dominique affirme que la télévision lui appartient. Si aucune des deux conjointes de fait ne peut prouver que le bien lui appartient, ce bien pourra faire l’objet d’une demande en partage, sauf si l’on a indiqué dans la convention de vie commune que la télévision est la propriété de Sacha.

Bref, bien que le Code civil du Québec ne prévoit pas de protection pour les conjoint(e)s de fait, la convention de vie commune permet d’y pallier en partie. Cependant, il faut noter qu’il existe d’autres moyens pour se protéger en union de fait, que ce soit par la préparation d’un acte de copropriété personnalisé, l’établissement d’un testament ou l’obtention d’un mandat d’inaptitude. Il est donc recommandé, si vous êtes en union de fait, de consulter un(e) avocat(e) ou notaire afin qu’il(elle) puisse vous épauler à cet égard.

 

 

 


 

[1] « État de l'union : Le Canada chef de file du G7 avec près du quart des couples vivant en union libre, en raison du Québec », 2022 en ligne (consulté le 1er novembre 2022).

 

[2] Louise LANGEVIN, « Liberté de choix et protection juridique des conjoints de fait en cas de rupture : difficile exercice de jonglerie », (2009) 54 R.D. McGill 697, par. 2.

[3] Christiane LALONDE, « L’application des dispositions relatives au patrimoine familial », dans Collection de droit 2022-2023, École du Barreau du Québec, vol. 4, Personnes, famille et successions, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2022, p. 2 (PDF), EYB2022CDD55 (La référence).

[4] Art. 585 Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.)

[5] Alain ROY, « Commentaire sous l'article 431 », dans Benoît MOORE (dir.), Code civil du Québec: Annotations – Commentaires, 7e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2022, EYB2022CCQ550 (La référence).

[6]  Sylvie HARVEY, « Le droit familial », dans Collection de droit 2022-2023, École du Barreau du Québec, vol. 4, Droit de la famille, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2022, EYB2022CDD49, p. 22 (PDF) (La référence).

[7] 414 et 521.6 al. 4 C.c.Q.

[8] Sandra FONTAINE, « La séparation de corps et le divorce : aspects généraux du traitement du litige conjugal », dans Collection de droit 2022-2023, École du Barreau du Québec, vol. 4, Droit de la famille, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2022, EYB2022CDD45, p.14-15 (PDF) (La référence).

[9] Id., p. 15.

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